Le crayon graphite est souvent désigné par diverses appellations : crayon à bois, mine de plomb ou plus couramment crayon à papier. Il est extrêmement populaire et incontournable aussi bien à l’école que dans divers domaines professionnels. Et, bien-sûr, les passionnés de dessin ne jurent que par lui. Mais en y réfléchissant bien, lorsqu’on pense au crayon graphite, on a immédiatement à l’esprit sa forme allongée et sa couleur jaune. On s’y est tellement habitué, qu’on ne s’est jamais interrogé sur le choix de cette teinte. En vérité, cette couleur est le fruit d’une initiative entrepreneuriale prise à la fin du 19ème siècle par une société tchèque, Koh-i-Noor Hardtmuth, qui fut ensuite copiée par de nombreux concurrents. Si bien, qu’aujourd’hui encore, nombre de crayons jaunes se vendent sur le marché.
A quel moment le crayon graphite est passé au jaune ?
Deux crayons sur un carnet – Source : spm
En 1889, à l’Exposition Universelle de Paris, les visiteurs ont pu admirer un tout nouveau type de crayon, fabriqué par la société tchèque Hardtmuth. Sa particularité : il était recouvert d’un jaune doré reconnaissable entre mille. A noter que cette entreprise est l’un des plus grands fabricants de crayons, fournitures et outils d’art au monde. Elle se distingue sur le marché mondial notamment du fait que le graphite qu’elle utilise dans ses crayons provient directement de la Sibérie, région qui abrite les plus grands gisements de graphite au monde.
Avant cela, les crayons, surtout ceux considérés comme « de qualité », n’étaient jamais peints. C’était une façon pour les vendeurs de papeterie de montrer que le bois n’avait aucune imperfection et que la surface était bien polie. Au contraire, lorsqu’ils étaient peints d’une certaine couleur, c’était surtout pour camoufler les irrégularités du produit. Quoi qu’il en soit, les teintes généralement utilisées se rapprochaient du marron, rouge ou noir. Jamais le crayon n’avait viré au jaune. C’était donc nouveau, avant-gardiste, intriguant et révolutionnaire.
Le crayon jaune, véritable objet de convoitise
Des étudiants utilisent le crayon – Source : spm
Forcément, ce choix à contre-courant n’était pas anodin : la volonté de Hardtmuth était de se démarquer avec ses crayons distinctifs et atypiques. Concrètement, le graphite dont ils étaient faits n’était plus d’origine anglaise, comme pour la quasi-totalité des crayons sur le marché jusqu’alors, mais d’origine sibérienne.
La couleur jaune servait justement à souligner cette différence, comme une sorte de symbole exotique, rappelant la Sibérie, la Chine qui est toute proche et la culture asiatique en général. Ainsi, le jaune n’est pas une teinte anodine : en Chine, par exemple, la couleur jaune incarne le respect et la noblesse, une véritable symbolique impériale. Les robes jaunes, notamment, étaient réservées à la famille impériale. A mi-chemin entre tradition et élitisme, laportée emblématique de cette couleur suggérait donc aux consommateurs une dimension de supériorité, d’exclusivité, de puissance et de raffinement. Autrement dit, il s’agissait d’une démarche marketing incroyablement bien pensée !
Plus tard, la société a ajouté à ses crayons l’inscription Koh-i-noor, en hommage au célèbre diamant de 105,602 carats monté sur la couronne britannique. Les nouveaux crayons étaient ainsi précieux rehaussés d’un graphite digne des plus beaux bijoux. Le succès fut tel que l’entreprise a même fini par changer son nom en « Koh-i-noor Hardtmuth » et la marque est très vite devenue célèbre dans le monde entier.
Crayon. Source : spm
Grâce à son astucieuse stratégie marketing, visant à mettre l’accent sur la qualité du graphite, Hardtmuth a tapé très fort : son crayon jaune, aussi précieux qu’un diamant, est rapidement devenu l’objet de convoitise de toute l’Europe. Il n’a pas fallu longtemps pour que les entreprises concurrentes suivent cette stratégie gagnante, produisant à leur tour des crayons jaunes aux noms orientaux. A l’instar de Faber-Castell qui fut la première marque à utiliser la même couleur vive du crayon Hardtmuth.
